Le terminal Nord Stream 2 à Lubmin en Allemagne

© Fermate via canva.com

Il a été la première victime du conflit Russo-Ukrainien. Le gazoduc Nord Stream 2 de Gazprom avait déjà connu plusieurs années de controversions, notamment car les Etats-Unis estimaient qu’il rendrait l’Europe encore plus dépendante au gaz russe, et affaiblirait économiquement et stratégiquement l’Ukraine.

Quelque temps avant l’escalade des violences, Nord Stream 2 était désigné comme un levier pour dissuader Moscou d’envahir l’Ukraine. Il s’est donc vu immédiatement suspendu par l’Allemagne en réponse à l’invasion russe en Ukraine le jeudi 24 février.

Ce projet géant, d’une valeur de 11 milliards de dollars, est depuis totalement à l’arrêt. Il est partiellement rempli de gaz, sous pression à 120 bars, et nécessite donc une maintenance de la part de l’opérateur, qui est actuellement rendue impossible par les sanctions contre la Russie.  

Ses 1 230 km de tuyaux ne sont plus qu’« un morceau d’acier, reposant au fond de la mer », d’après le porte-parole de la diplomatie Américaine Ned Price.  

Les retombées directes

Ce mardi 1er mars, l’opérateur suisse du gazoduc, Nord Stream 2 AG, a donc été contraint de licencier 106 de ses employés, dans le canton de Zoug. Impossible pour l’entreprise de mettre en place un plan social, car elle est insolvable, a précisé la responsable cantonale, Silvia Thalmann-Gut, dans une interview à la chaîne publique. La société s’interroge aujourd’hui sur le paiement des salaires de ses employés, gelés avec les sanctions contre les banques russes.

À Lubmin, le village allemand où a été déployé le terminal d’arrivée du gazoduc, seule une douzaine d’employés sont impactés. Ils font face au même problème de salaire, mais c’est plutôt l’incompréhension qui règne : « Je ne peux pas imaginer qu’un projet aussi énorme et surtout aussi coûteux puisse simplement tomber en ruines industrielles« , explique à l’AFP le maire Axel Vogt.

L’Allemagne reconnaît, elle, ne pas avoir l’expertise pour reprendre la maintenance. Un blocage qui pourrait se solder sur l’abandon total du projet. La société d’électricité Allemande Uniper à d’ailleurs déclaré mardi 08 mars une perte de 987 millions d’euros dans sa participation au projet Nord Stream 2.

En France, ENGIE avait annoncé mercredi 2 mars être exposé à une perte du même montant en cas de dépôt de bilan du projet.

Les retombées sur l’économie européenne

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la position de l’Europe face au gaz russe a radicalement changé. L’Europe est dépendante du gaz russe (et du pétrole), et de nombreuses grandes entreprises pétrolières et gazières européennes possèdent des actifs en Russie. Certaines se séparent partiellement ou totalement de celles-ci, comme Shell, Equinor ou le pétrolier BP, non sans coûts. Shell déclare par exemple sacrifier jusqu’à 3 milliards de dollars en se retirant de ses opérations avec GazProm. Les actifs, les projets en cours et les nouveaux investissements devront certainement s’arrêter suivant les sanctions politiques imposées par l’Europe.

L’exportation de matières premières représente une part importante du PIB de la Russie et constitue donc un outil stratégique pour freiner l’expansion de la guerre. Pour les gouvernements et les entreprises européennes, cela induit d’entamer une transition profonde dans l’approvisionnement en matières premières.

Cette transition comporte un risque direct sur la sécurité d’approvisionnement en gaz, et les flux d’échange au sein de l’Europe se verront fortement chamboulés. Il est donc indéniable que ces changements auront un effet direct sur l’augmentation des prix des biens primaires en Europe et à terme une inflation sur la globalité de l’économie européenne.

L’impact en France, par rapport aux autres pays, sera certainement amoindri par une forte action de l’Etat pour aider notamment les ménages, mais l’impact ne pourra pas être totalement absorbé.

Si l’avenir de Nord Stream 2 est toujours incertain, une seule chose est sûre : le projet va au-devant de nombreuses et coûteuses procédures, quelles qu’en soient les issues.

Sources :

https://www.20min.ch/fr/story/flou-autour-de-la-faillite-de-nord-stream-2-a-zoug-420661662290

https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/crise-ukrainienne-nord-stream-2-le-gazoduc-qui-divise-les-occidentaux-face-a-poutine_2166941.html

https://www.capital.fr/economie-politique/nord-stream-2-le-gazoduc-pourrait-il-etre-la-nouvelle-arme-des-etats-unis-contre-la-russie-1422263

https://www.lefigaro.fr/conjoncture/ukraine-la-societe-suisse-qui-gere-nord-stream-2-depose-le-bilan-20220301

https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/03/02/guerre-en-ukraine-premiere-victime-des-sanctions-le-gazoduc-nord-stream-2-de-gazprom-passe-a-la-trappe_6115743_3234.html

https://www.engie.com/journalistes/communiques-de-presse/point-de-situation-relatif-la-crise-en-ukraine

https://www.capital.fr/entreprises-marches/engie-toujours-sous-pression-analyse-la-situation-a-propos-de-nord-stream-2-1429956

https://www.connaissancedesenergies.org/afp/en-allemagne-le-village-de-lubmin-en-quete-davenir-pour-nord-stream-2-220302#:~:text=Cet%20investissement%20de%2011%20milliards,Washington%20au%20gazoduc%20germano%2Drusse.

https://www.lefigaro.fr/flash-eco/nord-stream-2-engie-se-dit-expose-a-un-risque-de-credit-maximal-de-987-millions-d-euros-20220302

https://www.courrierinternational.com/article/departs-en-masse-les-entreprises-occidentales-baissent-le-rideau-dans-toute-la-russie

https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/guerre-en-ukraine-lavenir-incertain-de-nord-stream-2-1391851

https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/La-societe-allemande-Uniper-va-enregistrer-une-perte-de-valeur-totale-sur-le-pret-Nord-Stream-2–39689749/

https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/La-societe-allemande-Uniper-va-enregistrer-une-perte-de-valeur-totale-sur-le-pret-Nord-Stream-2–39689749/