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En 2021, l’Europe a importé 155 milliards de mètres cube de gaz Russe, ce qui représente 45% de ses imports et 40% de sa consommation. Une forte dépendance, que la Commission Européenne souhaitait déjà réduire. Le conflit Russie-Ukraine vient intensifier cette situation, Vladimir Poutine ayant montré sa capacité à se servir de son gaz comme d’une arme de pouvoir géopolitique.
Dans une analyse publiée le 3 mars 2022, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) donne à l’Europe un plan en 10 points pour réduire l’importation de gaz Russe à horizon d’un an. Suivi à la lettre, le plan pourrait entraîner une baisse de plus de 50 milliards de mètres cube de demande en gaz en un an, soit un tiers de la consommation actuelle.
Pour ce faire, voici les 10 mesures qu’ils préconisent :
1. Stopper tout nouveau contrats d’import de gaz avec la Russie
2. Aller vers des fournisseurs alternatifs, pour environ 30 milliards de mètres cubes
L’AIE précise qu’en théorie, L’UE pourrait augmenter les apports de GNL à court terme d’environ 60 milliards de mètres cube par rapport à l’import moyen en 2021, cependant cela signifierait des marchés de GNL très tendus.
3. Introduire des obligations minimales de stockage de gaz pour améliorer le marché.
Stocker le gaz permet de répondre aux fluctuations saisonnières de la demande, et à toute situation imprévue (Pénuries de l’offre, tensions géopolitiques… qui font augmenter le prix du marché) l’analyse suggère la nécessité d’un niveau de remplissage de 90% au 1er octobre, avec une injection d’environ 18 milliards de mètres cube.
4. Accélérer le déploiement de nouveaux projets éoliens et solaires.
Cette année, les estimations prévoient déjà une augmentation de 15% de la production éolienne et solaire de l’UE (soit 100 TWh) par rapport à 2021. Un effort politique sur la ponctualité de l’obtention des permis sur des parcs déjà en construction avancerait leur date de mise en route, et pourrait générer 20 Twh supplémentaires au cours de la prochaine année. Une accélération du déploiement des panneaux solaires particuliers via un programme de subvention de 20% des coûts pourrait doubler le rythme des investissements, et ainsi atteindre une production annuelle de 15 Twh. Au total, cela permettrait de réduire les besoins en gaz de 6 millions de m3.
5. Maximiser la production à partir de sources à faibles émissions existantes, soit : la bioénergie et le nucléaire.
Les réacteurs fermés en 2021 devraient être opérationnels, ainsi que le nouveau réacteur en Finlande, ce qui donne une prévision de production jusqu’à 20 Twh supplémentaires en 2022. Il est également recommandé de reporter temporairement la fermeture des 4 réacteurs nucléaires prévus en 2022 et 2023. Cela permettrait de réduire la demande de l’UE en gaz de près d’1 milliard de mètres cube par mois. Les centrales bioénergétiques de l’UE n’ont fonctionné qu’à environ 50% de leurs capacités en 2021. Elles pourraient produire jusqu’à 50 Twh de plus en 2022. Au total, ce serait 70 Twh supplémentaires, réduisant de 13 milliards de mètres cube la consommation de gaz.
6. Adopter des mesures à court terme pour abriter les consommateurs d’électricité vulnérables aux prix élevés.
La conception actuelle du marché fait que les prix du gaz régissent les prix de gros de l’électricité. Les Etats membres de l’UE se sont déjà engagés à hauteur de 55 milliards d’euros pour amortir l’impact sur les consommateurs vulnérables. Étant donné que la hausse des prix est inévitable, des mesures fiscales temporaires sur les entreprises de fourniture d’électricité visant à taxer les bénéfices exceptionnels pourraient être considérées, et permettraient de réduire les factures des consommateurs de 200 milliards d’euros au total.
7.Accélérer le remplacement des chaudières à gaz par des pompes à chaleur.
Doubler les taux d’installation actuels dans l’UE économiserait 2 milliards de mètres cube de gaz supplémentaires au cours de la première année. Là encore, un soutien économique aux consommateurs pourrait renforcer leur déploiement. Autre possibilité : le passage du gaz à l’électricité pour le chauffage des bâtiments. La demande de gaz utilisé dans la production d’électricité augmenterait, mais serait toujours plus basse que celle nécessaire habituellement. Ce changement créerait néanmoins de nouvelles fluctuations saisonnières sur l’électricité.
8. Accélérer les améliorations de l’efficacité énergétique dans les bâtiments et l’industrie.
Accélérer les rénovations d’isolation des maisons et bâtiments non résidentiels les moins performants permettrait d’économiser 1 milliard de mètres cube de gaz en 1 an, en plus d’apporter des bénéfices pour l’emploi. Ces accélérations font déjà partie des changements prévus par la Commission européenne pour 2030 dans le cadre du plan fit for 55. D’ici 2030, c’est 45 milliards de mètres cube de gaz en moins par an par rapport à aujourd’hui. Autre chose, tripler le taux d’installation de thermostat intelligent dans les foyers réduirait la demande de gaz pour le chauffage de 200 millions de mètres cube par an, pour un investissement de 1 milliard d’euros. Du côté des PME, les aider via des programmes d’audits et de conseils à devenir plus efficaces énergétiquement entraînerait des économies d’énergie annuelles de 250 millions de mètres cube.
9. Encourager un réglage temporaire du thermostat par les consommateurs Européens.
Actuellement, pour le chauffage des bâtiments résidentiels, la température moyenne dépasse les 22°. Régler son thermostat permettrait d’économiser environ 10 milliards de mètres cube par an et par degré de réduction, tout en réduisant les factures. Nous rappelons que la température idéale est de 20 degrés dans les pièces à vivre, et entre 18 et 20 dans les chambres.
10. Intensifier les efforts pour diversifier et décarboner les sources de flexibilité du système électrique.
C’est le grand défi politique pour l’UE dans les années à venir, développer des formes alternatives pour le réseau électrique, comme la flexibilité saisonnière ou encore le déplacement de la demande. Pour le moment, c’est le gaz qui permet la flexibilité du réseau électrique. Les gouvernements doivent donc œuvrer à une amélioration des réseaux et à une électrification accrue. De plus, il est également nécessaire de maintenir et d’encourager une production à faible émission, et d’explorer diverses technologies de stockage d’énergie à long terme, en plus de sources de flexibilité à court terme. Le biogaz, biométhane, l’hydrogène à faible teneur en carbone et le méthane synthétique pourraient représenter une importante partie de la solution. Une innovation majeure peut au fil du temps desserrer les liens étroits entre l’approvisionnement de gaz naturel et la sécurité électrique de l’Europe.
Si d’autres solutions existent, elles ne permettent pas de respecter le Green Deal Européen. Ces alternatives impliqueraient notamment un retour au charbon et au mazout pour la production d’électricité au détriment du gaz. Acté temporairement, cela permettrait d’économiser 28 milliards de mètres cube de gaz destiné à la production d’électricité avant augmentation des émissions liées à l’énergie de l’UE. Un passage net du gaz au charbon entraînerait lui une production de 120 TWh supplémentaires au charbon, qui pourrait réduire la demande de gaz de 22 milliards de mètres cube en un an. Dernier point, utiliser des carburants alternatifs au gaz dans les centrales pourrait également baisser de 6 milliards de mètres cube la demande en gaz. Ces solutions ne sont évidemment pas à l’ordre du jour pour la Commission européenne, qui doit proposer la semaine prochaine son propre plan d’action.
Sources